J’ai donc 31 ans. Probable que ce petit compte à rebours m’a permis de faire passer l’angoisse qui précède chaque anniversaire. Je me suis pris au jeu et j’ai vu une progression dans ce texte dont je ferai peut-être un jour quelque chose. Un petit livre, pourquoi pas, où je laisserais comme Perec dans Je me souviens quelques pages blanches pour que tout le monde puisse faire sa liste à soi, puis son blog à soi afin que l’expérience devienne réellement ce que j’aime dans la littérature, une sorte de principe démocratique. Ce petit livre, je pourrais aussi le distribuer comme un livret d’opéra, une opera personnelle, dans une soirée où ces morceaux seraient joués, entendus enfin. J’ai beaucoup aimé passer des disques dans les cafés de ma ville, pour des soirées parfois un peu ringardes, parfois pleines de poésie. Ce serait l’occasion de terminer avec I want you back et de danser tous ensemble, comme des petits fous, comme à la fin des grèves victorieuses et des Astérix. Ensuite, c’est mon ami Jérôme qui prendrait les commandes de
dimanche 1 avril 2007
Conclusion
samedi 31 mars 2007
There she goes - The La's
C’est la chanson des chansons. Celle qui me vient dans les moments d’épiphanie, de rage victorieuse. Dans l’amour. J’attends au coin de la rue et je la vois qui sourit, en trottinant doucement vers moi. There she goes. C’est une chanson sur la drogue mais tant pis. C’est simplement une chanson incroyable, avec l’intro la plus sublime de toute l’histoire de
vendredi 30 mars 2007
Holes - Mercury Rev
C’est ce qui s’appelle de
jeudi 29 mars 2007
Chinatown - Tahiti 80
On approche du terme. Plus que trois places. Il faut éliminer et trouver de bonnes raisons d’éliminer. Dans l’idéal, on chercherait la cohérence, l’ensemble bien défini, proprement conçu. Sauf que les goûts musicaux, c’est tout sauf cohérent. Là, je voulais mettre Message personnel de Françoise Hardy et dire que c’est probablement l’une des plus belles chansons d’amour en français. J’ai aussi hésité à parler de La chanson de Jacky, puisque c’est ainsi que sa mère surnommait mon père Jacques, et puisque moi aussi j’aimerais être une heure, une heure seulement, beau, beau, beau et con à
mercredi 28 mars 2007
Les piqûres d'araignée - Vincent Delerm
A défaut de lire régulièrement de la poésie française comme mon métier m’y invite, j’écoute de la chanson française et m’en porte bien, insensible aux critiques de mauvaise foi qui lui sont faites depuis quelque temps déjà. La trouver « réactionnaire » me paraît absolument insensé, quand la trouver dévitalisante par surcroît de mélancolie est une autre affaire. D’abord je ne suis pas sûr que la mélancolie entraîne une quelconque perte politique, puisque c’est ça qui est en jeu. Je vois l’instant mélancolique comme une phase de rassemblement inévitable : qu’on décide de se projeter dans le réel par la suite et c’est presque une question de détermination sociologique. Pour le reste, il y a probablement des chansons françaises réactionnaires. Mais il suffit d’écouter Bourrée de complexes de Boris Vian, Comme ils disent d’Aznavour, Bonnie and Clyde de Gainsbourg ou Les héros de Barbès d’Yves Simon pour se rendre compte que la chanson française n’est absolument pas réac par essence. Après avoir été longtemps suspicieux, je me suis mis à écouter Vincent Delerm, constatant que derrière l’habileté littéraire, il y avait tout sauf un système et donc une vie propre. J’ai commencé par aimer la musique des Filles de 1973, puis j’ai été plus qu’ému par Le baiser Modiano et aujourd’hui, j’écoute
mardi 27 mars 2007
lundi 26 mars 2007
L'équipe à Jojo - Joe Dassin
J’ai découvert Joe Dassin un samedi soir du mois de juillet où aucun de mes amis ne voulait sortir boire des verres. Il y avait une émission d’hommage sur TF1 et sans y croire, j’ai commencé à regarder. J’ai d’abord aimé le type, docteur en ethnologie chantant Bip Bip, puis j’ai aimé les chansons. Peu après, Le Village Vert éditait une compilation de reprises de ses chansons où l’on trouvait L’équipe à Jojo, chantée par les Objets, dont j’aimais déjà beaucoup Sarah. Mon idée de Dassin, c’est que même si elles n’ont pas été écrites par la même personne, ses chansons parlent de la même chose : l’effet du temps qui passe sur les aventures d’une vie. Souvent, il est question de communautés qui s’effritent, de collectifs érodés par les assauts de
dimanche 25 mars 2007
Shout to the top - The Style Council
Si la mémoire des chansons peut fonctionner au quotidien, dans les marches et les lieux connus, elle est aussi active pour des moments privilégiés, des combinaisons de réel plus particulières. On va dire que j’entends des voix toute la journée mais il m’arrive d’être happé par Shout to the top en allant jouer au foot dans le parc à côté de chez moi, du printemps jusqu’au milieu de l’automne. Il me faut traverser une place colonisée par les terrasses, avec mes chaussures de sport, un short Go Sport et, en général, un tee-shirt informe. Il me faut du courage pour affronter le ridicule et la voix de Paul Weller m’assiste dans cette épreuve. Les Jam ont déjà cet effet galvanisant sur moi, comme les Clash ou les Dead Boys : c’est une musique de rassemblement, de bande et d’effronterie. Même effet avec Back on the chain gang des Pretenders, ou Precious. Sensation d’indestructibilité étonnante, et fierté inimaginable. On en oublie qu’on a un corps de crevette, on se sent pousser des grenades de FTP-MOI à
samedi 24 mars 2007
Oh la la - The Faces
C’est souvent épatant de regarder les bons danseurs officier. C’est un spectacle dans lequel je peux m’abandonner de manière assez naïve, dégustant tout particulièrement des rocks acrobatiques qui sont pour d’autres le summum du ringard. Personnellement, je me débrouille avec trois ou quatre passes et je peux sentir monter en moi l’âme meurtrière de Francis Heaulme si ma partenaire s’ingénie à prendre en main le cours des opérations. C’est le seul domaine où je sois machiste : le garçon guide, sinon c’est ridicule, un point c’est tout. Et quand ça marche, c’est absolument extra. Du coup, j’adore les films où l’on danse, surtout lorsqu’on y improvise des chorégraphies. C’est le cas du dispensable mais mignon 30 ans sinon rien où Mark Ruffalo et Jennifer Garner lancent une gigantesque fresque humaine digne du Passion de Godard sur Thriller de Michael Jackson. C’est aussi le cas du générique de fin de Mary à tout prix, avec Build me up buttercup des Foundations, sur laquelle il est difficile de ne pas bouger son cul et plus particulièrement de ne pas empoigner celle qui passe par là pour la faire tourner dans tous les sens. Pareil avec la fin de Rushmore, film génial où j’ai découvert Oh la
vendredi 23 mars 2007
Guitarra - Madredeus
J’aime l’idée d’arriver chez quelqu’un, d’entendre quelque chose que je ne connais pas et de m’y faire. Bien sûr, ça ne marche pas à chaque coup et c’est avant tout une posture, surtout si le quelqu’un n’écoute que de la musique sérielle et du free jazz. Mais quand ça marche, c’est comme comprendre une page de L’Anti-Œdipe en deux lectures à peine. En me réveillant un matin chez mon amie Stéphanie, porte de Bagnolet, j’ai entendu Ainda de Madredeus et je me suis sincèrement demandé si j’aimais. Il y avait l’amitié et la douceur de vivre, du thé au jasmin et des livres partout : j’aurais pu aimer une chanson de U2 dans un tel environnement. Alors il a fallu se creuser un peu la sensibilité, le temps que le thé refroidisse et c’est venu, lentement, en surimpression du bonheur d’être là. Quelque chose qui n’était pas moi mais qui devenait moi, comme on s’adapte soudain aux autres climats, aux autres syntaxes. On se sent comme en homothétie de soi-même. Sans cette expérience, en insupportable snob que je suis parfois, j’aurais pu débiner cette musique apprise dans le calme qui lui convient si bien. Comme j’aurais pu nier avoir chanté à tue-tête Born in the USA dans la voiture d’une copine de lycée qui nous emmenait au centre ville. Comme j’aurais pu faire passer pour ironique mon écoute émue de Nothing else matters de Metallica, dans un lendemain de fête. On dira que la chanson n’est dans ce cas qu’un simple souvenir de la volupté universelle. C’est faux. D’ailleurs, ce ne sont que des bons morceaux, aimés de bonne foi, dans une déprogrammation des réflexes conditionnés par la doxa indie. Guitarra, quoi qu'on en dise, est une espèce de tube pour amateurs de musiques du monde. Dans d’autres circonstances, je n’aurais pas su entendre l’essence cinématographique du nylon pincé et de la voix comme un cristal bleuté. La solennité heureuse, le remaniement de la mélancolie en une parole de certitude inquiète. Je serais passé à côté, comme je le fais avec mille autres choses, préférant me concentrer sur ce que je sais déjà de mon crâne. C’est en ce sens que les goûts sont parfois une terrible malédiction.
jeudi 22 mars 2007
She's coming over - Fugu
J’ai assisté à la naissance de cette chanson et j’ai même écrit dessus quelques dizaines de feuillets, à l’époque, dans un petit fanzine autobiographique photocopié. A cette occasion, j’ai compris comment on enregistrait une chanson : le système des pistes séparées, le mixage, les effets. Je trouvais ça assez passionnant et il en résulte un texte distribué en autant de chapitres que de pistes utilisées pour constituer la chanson, comme si j’essayais de comprendre l’apport de chaque élément, comme si je pouvais moi aussi « feuilleter » mon écriture en autant de strates superposables. Difficile de relire ce texte aujourd’hui, truffé d’anecdotes personnelles et de tourments un peu lointains aujourd’hui. Reste le discours sur la musique : je vois une chanson prendre forme, sans l’avoir entendue au préalable. Je l’aime de plus en plus pour finalement arriver à la conclusion que Mehdi a un talent exceptionnel, ce que je pense toujours. Cette chanson de Fugu est restée particulière pour moi, comme un point de repère dans une volonté de ne pas seulement être un amateur de musique, mais aussi quelqu’un qui voudrait en comprendre le fonctionnement, alors qu’il ne dispose d’aucune oreille et d’aucun savoir-faire. En entendant se formuler lentement une mélodie toute simple mais agencée avec méticulosité, j’ai aussi compris pourquoi chaque élément avait sa place, sa raison d’être. C’était fascinant. Encore aujourd’hui, la voix de Mehdi me paraît énigmatique, presque surnaturelle, à la fois impassible et pleine d’aisance, jamais dans une émotion chargée et terroriste. Mehdi avait enregistré She’s coming over avant son premier album, pour un EP je crois. Et puis il l’a réenregistrée pour son deuxième album où il l’a faite figurer en dernier. C’était amusant et touchant de la retrouver là, semblable mais pas identique, derrière d’autres chansons dont je n’avais jamais entendu une note avant qu’elles fussent commercialisées. Mais cette fois-ci je ne l’ai pas décortiquée et le plaisir est resté, lui, totalement identique.
mercredi 21 mars 2007
Be my baby - The Ronettes
C’est le genre de chanson dont il est impossible de retrouver l’appréciation originelle : on l’a toujours entendue, on l’a toujours aimée. Parce qu’elle passait à la radio, parce qu’elle a pris place sur une bande originale de film ou dans une publicité à
P.S : Chez des amis proches ou plus éloignés, un garçon se prépare et un autre vient de naître. Et disons que connaissant les goûts des parents, je ne me fais aucune inquiétude pour l’éducation musicale que ceux-ci vont recevoir. Je les salue.
mardi 20 mars 2007
The colour of spring - Mark Hollis
C’est une chanson magnifique mais c’est avant tout un album génial, entier et vacillant. Mon amie Claire dit que les génies ont les deux pieds collés dans le sol et la tête dans le ciel. La musique de Mark Hollis a cette double posture : elle plonge dans la réalité et l’élève doucement, sans emphase superflue, vers son versant aérien et immatériel. J’avais découvert Talk Talk grâce à Christophe Conte et un ami vénézuélien devenu depuis vice-ministre de l’Education dans son pays. J’ai toujours son Laughing Stock et crains qu’un jour les services secrets d’Hugo Chavez ne soient dépêchés pour le récupérer. Il est perdu dans ma discothèque mais en revanche, je retrouve toujours sans peine le disque solo de Mark Hollis, ne serait-ce que pour scruter la photo de la pochette, dont j’aimerais bien un jour prendre la jumelle mais qui m’échappe toujours. A l’image de ce visuel, la musique est troublante de simplicité apparente et de majesté. La première chanson, The colour of spring, tient en quelques lignes de texte et en une mélodie comme éparpillée, pulvérulente, comme on le dit des particules en suspension dans l’air. La voix revenue du gouffre de Mark Hollis vient ensuite se coller à l’ensemble, d’une folle unité. C’est grave et beau, mais quelque chose comme un sentiment de renaissance s’insère dans les interstices de cette apparente solennité. « Soar the bridges that I’ve burnt before » dit cette voix revenue de l’héroïsme d’opérette, hantée mais digne, prête à faire face au monde. On exagère souvent dans nos commentaires avec l’idée de dépouillement, de mise à nu, on estime trop vite que des artistes vont « à l’os » ou à l’essentiel. Peut-être avons-nous tout simplement besoin d’un repère pour de telles images. Ce repère, il était sous nos yeux, comme la lettre volée de Poe, depuis moins d’une décennie, et c’est Mark Hollis qui nous l’a donné.
lundi 19 mars 2007
September - Earth Wind and Fire
C’est formidable,
dimanche 18 mars 2007
But not for me - Chet Baker
J’ai choisi mon appartement sur un seul critère : je voulais qu’on puisse marcher pieds nus sur le parquet du salon en écoutant Chet Baker ou Bach le dimanche matin. Que le bois du sol provoque une sensation suffisamment marquante et douce, en accord total avec la musique idéale des jours où l’on prend le temps. Ce sont des détails auxquels on devrait penser plus souvent car les chansons ont un rapport évident à l’espace dans lequel elles s’insèrent, avec les matières qui le composent. Un critique autrefois marquant avait parfaitement décrit cette évidence et disait que quand il écoutait My Bloody Valetine, son appartement changeait de forme, mystérieusement, se couvrait de lianes ou quelque chose comme ça. Le jazz me fait cet effet : il décloisonne l’espace et plus encore les chansons de Chet Baker, qui bouleversent aussi le temps, en créant une sorte de monde sans âge. D’abord parce que sa voix est de toutes les époques, un peu comme celle de Nick Drake. Rien ne
samedi 17 mars 2007
La France dort - OTH
Dans une foire aux livres, nous avions acquis avec mon frère un numéro spécial de Libération consacré aux cent meilleurs albums de la période 1968-1988. J’ai lu l’ouvrage en intégralité et j’ai assez méticuleusement écouté les albums qui étaient passés en revue, sans le secours d’aucune médiathèque, concept encore vague à l’époque. J’ai aimé Prince, Fleetwood Mac et Stevie Wonder et j’en suis venu au Velvet Underground par un numéro spécial des Inrockuptibles acheté un peu au hasard. La légende veut que chaque personne ayant découvert le premier album du Velvet a fondé un groupe par la suite : moi je suis persuadé que tous ceux qui ont découvert ce numéro spécial ont ensuite fondé un fanzine. C’est mon cas et je l’ai créé en compagnie de semi-punks sympathiques dont j’étais le rédacteur en chef, à quatorze ans environ. Eux écoutaient du rock alternatif français, moi Yves Simon, mais je n’ai pas tardé à me laisser embarquer. Le fanzine portait un nom de maladie vénérienne et c’est là que j’ai publié ma première interview, du groupe Les Cadavres. Si je compare avec la dernière que j’ai réalisée – Neil Hannon – je me rends compte combien le chanteur Vérole et ses musiciens étaient extrêmement sympathiques. Un peu à l’image de cette musique, totalement mise de côté aujourd’hui, mais dont je garde un souvenir ému. Comme dans les livres de Guy Debord, il y avait là des enfants perdus et quelques utopies singulières, véhémentes, anarchiques. « Jamais plus nous ne boirons si jeunes » : certains sont morts violemment, d’autres dans un désespoir presque absolu. Le groupe le plus marquant de ce milieu fut OTH, même si je garde un bon souvenir des Satellites ou d’un live de Parabellum d’une belle et juste force. La France dort décrivait notre réalité, pays tétanisé par la crise, dont nous n’avions pas encore fait notre panorama. C’est une vraie bonne chanson et pas seulement le choix de