mardi 20 mars 2007


The colour of spring - Mark Hollis

C’est une chanson magnifique mais c’est avant tout un album génial, entier et vacillant. Mon amie Claire dit que les génies ont les deux pieds collés dans le sol et la tête dans le ciel. La musique de Mark Hollis a cette double posture : elle plonge dans la réalité et l’élève doucement, sans emphase superflue, vers son versant aérien et immatériel. J’avais découvert Talk Talk grâce à Christophe Conte et un ami vénézuélien devenu depuis vice-ministre de l’Education dans son pays. J’ai toujours son Laughing Stock et crains qu’un jour les services secrets d’Hugo Chavez ne soient dépêchés pour le récupérer. Il est perdu dans ma discothèque mais en revanche, je retrouve toujours sans peine le disque solo de Mark Hollis, ne serait-ce que pour scruter la photo de la pochette, dont j’aimerais bien un jour prendre la jumelle mais qui m’échappe toujours. A l’image de ce visuel, la musique est troublante de simplicité apparente et de majesté. La première chanson, The colour of spring, tient en quelques lignes de texte et en une mélodie comme éparpillée, pulvérulente, comme on le dit des particules en suspension dans l’air. La voix revenue du gouffre de Mark Hollis vient ensuite se coller à l’ensemble, d’une folle unité. C’est grave et beau, mais quelque chose comme un sentiment de renaissance s’insère dans les interstices de cette apparente solennité. « Soar the bridges that I’ve burnt before » dit cette voix revenue de l’héroïsme d’opérette, hantée mais digne, prête à faire face au monde. On exagère souvent dans nos commentaires avec l’idée de dépouillement, de mise à nu, on estime trop vite que des artistes vont « à l’os » ou à l’essentiel. Peut-être avons-nous tout simplement besoin d’un repère pour de telles images. Ce repère, il était sous nos yeux, comme la lettre volée de Poe, depuis moins d’une décennie, et c’est Mark Hollis qui nous l’a donné.