mardi 13 mars 2007


Let's go out tonight - The Blue Nile

Il y a ce qu’on pourrait appeler la grande musique de nuit. Les chansons que l’on écoute avant de s’endormir tard, télé éteinte et seul sur sa chaise, dans la minuscule appréhension de la dernière cigarette. Ce sont des morceaux de clôture, voluptueux et mélancoliques, favorables aux petites comme aux grandes réminiscences. Le sujet qu’ils abordent compte aussi et les chansons de récapitulation ou d’espoir sont souvent les bienvenues. Voilà pourquoi je garde souvent à portée de chaîne hi-fi Automatic for the people de REM, album diurne par excellence avec Dusk de The The, méditatif et préoccupé comme on peut l’être à l’approche du sommeil. Find the river est encore aujourd’hui un morceau essentiel de cette gamme d’écoute, avec ses arpèges jolis comme une lune en croissant et son tempo un peu claudiquant. C’est une chanson de départ et de conquête, qui souhaite des rêves doux avant les épreuves attendues. Reste que le modèle du genre est tout de même Let’s go out tonight, découverte via Craig Armstrong et utilisée cent fois pour le petit remaniement du quotidien, quand les voitures se font plus rares en bas de l’immeuble et que quelques zigotos persistent encore à errer vers les boîtes de nuit, au cœur de la tranquillité provinciale. Leurs beuglements font partie de cette bande-son de nuit, quand on cherche paisiblement la réponse à une question imprécise, mal formulée mais tenace. La voix de Paul Buchanan, la grêle de cordes qui l’accompagne, donnent un sens à l’obscurité, même lorsqu’elle est trouée par les lueurs municipales. L’envolée finale et la perdition du timbre même ajoutent du sens à cette légère interrogation existentielle. Mais il faut rendre les armes au moins pour quelques heures et la grande musique de nuit, de River man de Nick Drake à I Surrender de David Sylvian, fait naître quelques promesses, comme s’impriment doucement en nous les demi-rêves de l’endormissement.