mercredi 7 mars 2007


Working class hero - John Lennon

C’est une phrase qui est restée collée à moi toute mon adolescence : « They hate you if you’re clever and they despise a fool ». John Lennon était une sorte de grand frère révolté, à vif, que j’ai écouté avant les Beatles. J’adorais Plastic Ono Band et c’est un article de Francis Dordor, publié dans Les Inrockuptibles, qui m’a expliqué pourquoi : c’est un disque d’émancipation et de dépouillement. Lennon a investi l’intégralité de sa souffrance originelle dans une ironie que les Beatles mettaient admirablement en valeur (on oublie souvent de dire que si les chansons étaient géniales, les types étaient particulièrement drôles). Lennon a eu besoin de premier degré et il a trouvé Yoko, qui l’a envoyé courir à poil dans les bois. Et qui lui a permis d’élever la thérapie discographique au rang d’art. Condensé autobiographique, précis de désillusion et de fol espoir en une femme qui déballe ce que lui refoule, Plastic Ono Band est un disque d’une lucidité violente et pas seulement par son côté psychanalytique : il prouve qu’en parlant de soi, pour soi, on trouve parfois l’universel de la condition humaine. « Tout un homme, fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n’importe qui » disait Sartre à la fin des Mots. Working class hero parle de cette défaite avec laquelle doivent vivre les assiégés. Qu’ils aient leurs parents à l’usine ou qu’ils soient orphelins, qu’importe. Lorsque j’étais barman, il y avait un portier nommé Roger. Chaque soir de concert, il arrivait après une journée de travail : il posait des fenêtres sur des chantiers de bâtiment. En général nous sortions de la salle vers une heure du matin, parfois deux. Roger allait casser la croûte chez lui. Je pense qu’il se levait vers six heures et demi du matin. J’aimerais bien que ses enfants découvrent un jour Lennon et sachent qu’on a un jour écrit pour eux, tout en se racontant soi.