vendredi 9 mars 2007


Once in a lifetime - Talking Heads

En allant à New York, j’avais un rêve secret : rencontrer par hasard David Byrne et lui dire que j’aimais non seulement les Talking Heads mais aussi ce superbe album solo à la pochette noire et son fabuleux Angels. A l’époque, cette chanson avait été vue par les critiques comme une redite de Once in a lifetime, dont je suis fou depuis le lycée au moins. J’aime la critique musicale et j’aime qu’on puisse écrire à peu près tout sur à peu près tout, mais je vois là une erreur d’interprétation. Il n’est pas rare que des artistes, après une œuvre majeure, en cherchent eux-mêmes le sens, qui leur a peut-être échappé. Probablement dépassés par le sublime qu’ils ont contribué à faire apparaître, ils tentent de savoir s’ils pourraient refaire la même chose, et pourquoi pas presque à l’identique. Neil Youg a fait ça, Lou Reed aussi. Angels est une réinterprétation de Once in a lifetime et elle en a gardé la diction unique, mélange de stupeur et d’élan. Il n’y a plus les guitares d’Adrian Belew ou la production d’Eno mais Byrne, avec cette voix où perce une intelligence hors du commun – et c’est important, tout de même – conserve la même envie singulière de s’emparer du monde avec l’appétit d’un ogre. C’est un plaisir, en écoutant les chansons des Talking Heads, de sentir qu’ils ne s’excusent jamais de leur curiosité, de leur ironie, et surtout de cette manie d’aller déceler dans le réel ce qui peut soucier ou inquiéter. Bangs, dans un texte d’une perspicacité inouïe, a été le seul à comprendre le jeu essentiel que jouait Byrne avec les peurs humaines. Et voilà par exemple de quoi j’aurais aimé parler avec lui, en prenant un café à Gramercy. Au lieu de ça, j’ai croisé Charlélie Couture qui a failli me renverser avec son vélo. C’est quand même pas de bol.