dimanche 18 mars 2007


But not for me - Chet Baker

J’ai choisi mon appartement sur un seul critère : je voulais qu’on puisse marcher pieds nus sur le parquet du salon en écoutant Chet Baker ou Bach le dimanche matin. Que le bois du sol provoque une sensation suffisamment marquante et douce, en accord total avec la musique idéale des jours où l’on prend le temps. Ce sont des détails auxquels on devrait penser plus souvent car les chansons ont un rapport évident à l’espace dans lequel elles s’insèrent, avec les matières qui le composent. Un critique autrefois marquant avait parfaitement décrit cette évidence et disait que quand il écoutait My Bloody Valetine, son appartement changeait de forme, mystérieusement, se couvrait de lianes ou quelque chose comme ça. Le jazz me fait cet effet : il décloisonne l’espace et plus encore les chansons de Chet Baker, qui bouleversent aussi le temps, en créant une sorte de monde sans âge. D’abord parce que sa voix est de toutes les époques, un peu comme celle de Nick Drake. Rien ne la date. But not for me, puisqu’il faut en choisir une, est la chanson d’un sentiment lui aussi immémorial : tristesse et insouciance mélangées, légèreté et désespoir. C’est avec ce genre de posture qu’on reprend sa vie à zéro. Et le dimanche matin, il faut avoir l’impression de recommencer un univers à son point de départ, sinon ça n’est pas dimanche.