mercredi 21 mars 2007


Be my baby - The Ronettes

C’est le genre de chanson dont il est impossible de retrouver l’appréciation originelle : on l’a toujours entendue, on l’a toujours aimée. Parce qu’elle passait à la radio, parce qu’elle a pris place sur une bande originale de film ou dans une publicité à la télévision. C’est presque autant un jingle qu’une chanson et pourtant, c’est un choc. Lorsque j’ai acheté le coffret Phil Spector, j’ai pu l’entendre pour moi, en entier, sans parasite. Et j’ai été littéralement coupé en deux. Par le son, évidemment, dont j’avais l’impression qu’il s’infiltrait en moi, qu’il faisait résonner mes os mais aussi par ces voix, agrippées les unes aux autres comme le chant des Sirènes qu’Ulysse tient absolument à écouter, au péril de sa vie, dans L’Odyssée. Il y avait ces percussions invraisemblables, cette caisse claire qui cognait comme s’ouvre et se referme le couvercle de l’âme. J’aime cette chanson depuis l’enfance, sûrement, mais c’est seulement après l’avoir écoutée une bonne vraie fois que je me suis rendu compte qu’elle était mon idée du sublime. Sublime d’une construction où les éléments se répondent les uns aux autres, s’enchaînent dans une dynamique insensée, sublime d’une mélodie et d’un chant aigrelet et puissant où une femme trop vite grandie se déchire le cœur. Comme les plus beaux morceaux de la Motown, il n’y a rien à bouger ou à jeter dans une telle œuvre d’art, où le savoir-faire rivalise avec le coup de génie instinctif. Les enfants ne s’y trompent pas : dès les premières mesures de ce genre de fragments d’universalité, ils rient aux éclats, dandinent leur petites hanches, chantent comme sur les génériques de TiJi. Fabuleux spectacle. Nous avons le malheur d’en comprendre les paroles, et de saisir le petit désespoir rageur qui leur sert de prétexte. C’est bien dommage, mais ça ne nous empêchera pas, comme j’ai vu mon ami Charles le faire il y a une dizaine d’années, de proposer à la crèche de nos enfants une compilation entièrement constituée de ces morceaux, afin qu’ils évitent d’avoir à subir Henri Dès.

P.S : Chez des amis proches ou plus éloignés, un garçon se prépare et un autre vient de naître. Et disons que connaissant les goûts des parents, je ne me fais aucune inquiétude pour l’éducation musicale que ceux-ci vont recevoir. Je les salue.