J’ai donc 31 ans. Probable que ce petit compte à rebours m’a permis de faire passer l’angoisse qui précède chaque anniversaire. Je me suis pris au jeu et j’ai vu une progression dans ce texte dont je ferai peut-être un jour quelque chose. Un petit livre, pourquoi pas, où je laisserais comme Perec dans Je me souviens quelques pages blanches pour que tout le monde puisse faire sa liste à soi, puis son blog à soi afin que l’expérience devienne réellement ce que j’aime dans la littérature, une sorte de principe démocratique. Ce petit livre, je pourrais aussi le distribuer comme un livret d’opéra, une opera personnelle, dans une soirée où ces morceaux seraient joués, entendus enfin. J’ai beaucoup aimé passer des disques dans les cafés de ma ville, pour des soirées parfois un peu ringardes, parfois pleines de poésie. Ce serait l’occasion de terminer avec I want you back et de danser tous ensemble, comme des petits fous, comme à la fin des grèves victorieuses et des Astérix. Ensuite, c’est mon ami Jérôme qui prendrait les commandes de
dimanche 1 avril 2007
Conclusion
samedi 31 mars 2007
There she goes - The La's
C’est la chanson des chansons. Celle qui me vient dans les moments d’épiphanie, de rage victorieuse. Dans l’amour. J’attends au coin de la rue et je la vois qui sourit, en trottinant doucement vers moi. There she goes. C’est une chanson sur la drogue mais tant pis. C’est simplement une chanson incroyable, avec l’intro la plus sublime de toute l’histoire de
vendredi 30 mars 2007
Holes - Mercury Rev
C’est ce qui s’appelle de
jeudi 29 mars 2007
Chinatown - Tahiti 80
On approche du terme. Plus que trois places. Il faut éliminer et trouver de bonnes raisons d’éliminer. Dans l’idéal, on chercherait la cohérence, l’ensemble bien défini, proprement conçu. Sauf que les goûts musicaux, c’est tout sauf cohérent. Là, je voulais mettre Message personnel de Françoise Hardy et dire que c’est probablement l’une des plus belles chansons d’amour en français. J’ai aussi hésité à parler de La chanson de Jacky, puisque c’est ainsi que sa mère surnommait mon père Jacques, et puisque moi aussi j’aimerais être une heure, une heure seulement, beau, beau, beau et con à
mercredi 28 mars 2007
Les piqûres d'araignée - Vincent Delerm
A défaut de lire régulièrement de la poésie française comme mon métier m’y invite, j’écoute de la chanson française et m’en porte bien, insensible aux critiques de mauvaise foi qui lui sont faites depuis quelque temps déjà. La trouver « réactionnaire » me paraît absolument insensé, quand la trouver dévitalisante par surcroît de mélancolie est une autre affaire. D’abord je ne suis pas sûr que la mélancolie entraîne une quelconque perte politique, puisque c’est ça qui est en jeu. Je vois l’instant mélancolique comme une phase de rassemblement inévitable : qu’on décide de se projeter dans le réel par la suite et c’est presque une question de détermination sociologique. Pour le reste, il y a probablement des chansons françaises réactionnaires. Mais il suffit d’écouter Bourrée de complexes de Boris Vian, Comme ils disent d’Aznavour, Bonnie and Clyde de Gainsbourg ou Les héros de Barbès d’Yves Simon pour se rendre compte que la chanson française n’est absolument pas réac par essence. Après avoir été longtemps suspicieux, je me suis mis à écouter Vincent Delerm, constatant que derrière l’habileté littéraire, il y avait tout sauf un système et donc une vie propre. J’ai commencé par aimer la musique des Filles de 1973, puis j’ai été plus qu’ému par Le baiser Modiano et aujourd’hui, j’écoute
mardi 27 mars 2007
lundi 26 mars 2007
L'équipe à Jojo - Joe Dassin
J’ai découvert Joe Dassin un samedi soir du mois de juillet où aucun de mes amis ne voulait sortir boire des verres. Il y avait une émission d’hommage sur TF1 et sans y croire, j’ai commencé à regarder. J’ai d’abord aimé le type, docteur en ethnologie chantant Bip Bip, puis j’ai aimé les chansons. Peu après, Le Village Vert éditait une compilation de reprises de ses chansons où l’on trouvait L’équipe à Jojo, chantée par les Objets, dont j’aimais déjà beaucoup Sarah. Mon idée de Dassin, c’est que même si elles n’ont pas été écrites par la même personne, ses chansons parlent de la même chose : l’effet du temps qui passe sur les aventures d’une vie. Souvent, il est question de communautés qui s’effritent, de collectifs érodés par les assauts de
dimanche 25 mars 2007
Shout to the top - The Style Council
Si la mémoire des chansons peut fonctionner au quotidien, dans les marches et les lieux connus, elle est aussi active pour des moments privilégiés, des combinaisons de réel plus particulières. On va dire que j’entends des voix toute la journée mais il m’arrive d’être happé par Shout to the top en allant jouer au foot dans le parc à côté de chez moi, du printemps jusqu’au milieu de l’automne. Il me faut traverser une place colonisée par les terrasses, avec mes chaussures de sport, un short Go Sport et, en général, un tee-shirt informe. Il me faut du courage pour affronter le ridicule et la voix de Paul Weller m’assiste dans cette épreuve. Les Jam ont déjà cet effet galvanisant sur moi, comme les Clash ou les Dead Boys : c’est une musique de rassemblement, de bande et d’effronterie. Même effet avec Back on the chain gang des Pretenders, ou Precious. Sensation d’indestructibilité étonnante, et fierté inimaginable. On en oublie qu’on a un corps de crevette, on se sent pousser des grenades de FTP-MOI à
samedi 24 mars 2007
Oh la la - The Faces
C’est souvent épatant de regarder les bons danseurs officier. C’est un spectacle dans lequel je peux m’abandonner de manière assez naïve, dégustant tout particulièrement des rocks acrobatiques qui sont pour d’autres le summum du ringard. Personnellement, je me débrouille avec trois ou quatre passes et je peux sentir monter en moi l’âme meurtrière de Francis Heaulme si ma partenaire s’ingénie à prendre en main le cours des opérations. C’est le seul domaine où je sois machiste : le garçon guide, sinon c’est ridicule, un point c’est tout. Et quand ça marche, c’est absolument extra. Du coup, j’adore les films où l’on danse, surtout lorsqu’on y improvise des chorégraphies. C’est le cas du dispensable mais mignon 30 ans sinon rien où Mark Ruffalo et Jennifer Garner lancent une gigantesque fresque humaine digne du Passion de Godard sur Thriller de Michael Jackson. C’est aussi le cas du générique de fin de Mary à tout prix, avec Build me up buttercup des Foundations, sur laquelle il est difficile de ne pas bouger son cul et plus particulièrement de ne pas empoigner celle qui passe par là pour la faire tourner dans tous les sens. Pareil avec la fin de Rushmore, film génial où j’ai découvert Oh la
vendredi 23 mars 2007
Guitarra - Madredeus
J’aime l’idée d’arriver chez quelqu’un, d’entendre quelque chose que je ne connais pas et de m’y faire. Bien sûr, ça ne marche pas à chaque coup et c’est avant tout une posture, surtout si le quelqu’un n’écoute que de la musique sérielle et du free jazz. Mais quand ça marche, c’est comme comprendre une page de L’Anti-Œdipe en deux lectures à peine. En me réveillant un matin chez mon amie Stéphanie, porte de Bagnolet, j’ai entendu Ainda de Madredeus et je me suis sincèrement demandé si j’aimais. Il y avait l’amitié et la douceur de vivre, du thé au jasmin et des livres partout : j’aurais pu aimer une chanson de U2 dans un tel environnement. Alors il a fallu se creuser un peu la sensibilité, le temps que le thé refroidisse et c’est venu, lentement, en surimpression du bonheur d’être là. Quelque chose qui n’était pas moi mais qui devenait moi, comme on s’adapte soudain aux autres climats, aux autres syntaxes. On se sent comme en homothétie de soi-même. Sans cette expérience, en insupportable snob que je suis parfois, j’aurais pu débiner cette musique apprise dans le calme qui lui convient si bien. Comme j’aurais pu nier avoir chanté à tue-tête Born in the USA dans la voiture d’une copine de lycée qui nous emmenait au centre ville. Comme j’aurais pu faire passer pour ironique mon écoute émue de Nothing else matters de Metallica, dans un lendemain de fête. On dira que la chanson n’est dans ce cas qu’un simple souvenir de la volupté universelle. C’est faux. D’ailleurs, ce ne sont que des bons morceaux, aimés de bonne foi, dans une déprogrammation des réflexes conditionnés par la doxa indie. Guitarra, quoi qu'on en dise, est une espèce de tube pour amateurs de musiques du monde. Dans d’autres circonstances, je n’aurais pas su entendre l’essence cinématographique du nylon pincé et de la voix comme un cristal bleuté. La solennité heureuse, le remaniement de la mélancolie en une parole de certitude inquiète. Je serais passé à côté, comme je le fais avec mille autres choses, préférant me concentrer sur ce que je sais déjà de mon crâne. C’est en ce sens que les goûts sont parfois une terrible malédiction.
jeudi 22 mars 2007
She's coming over - Fugu
J’ai assisté à la naissance de cette chanson et j’ai même écrit dessus quelques dizaines de feuillets, à l’époque, dans un petit fanzine autobiographique photocopié. A cette occasion, j’ai compris comment on enregistrait une chanson : le système des pistes séparées, le mixage, les effets. Je trouvais ça assez passionnant et il en résulte un texte distribué en autant de chapitres que de pistes utilisées pour constituer la chanson, comme si j’essayais de comprendre l’apport de chaque élément, comme si je pouvais moi aussi « feuilleter » mon écriture en autant de strates superposables. Difficile de relire ce texte aujourd’hui, truffé d’anecdotes personnelles et de tourments un peu lointains aujourd’hui. Reste le discours sur la musique : je vois une chanson prendre forme, sans l’avoir entendue au préalable. Je l’aime de plus en plus pour finalement arriver à la conclusion que Mehdi a un talent exceptionnel, ce que je pense toujours. Cette chanson de Fugu est restée particulière pour moi, comme un point de repère dans une volonté de ne pas seulement être un amateur de musique, mais aussi quelqu’un qui voudrait en comprendre le fonctionnement, alors qu’il ne dispose d’aucune oreille et d’aucun savoir-faire. En entendant se formuler lentement une mélodie toute simple mais agencée avec méticulosité, j’ai aussi compris pourquoi chaque élément avait sa place, sa raison d’être. C’était fascinant. Encore aujourd’hui, la voix de Mehdi me paraît énigmatique, presque surnaturelle, à la fois impassible et pleine d’aisance, jamais dans une émotion chargée et terroriste. Mehdi avait enregistré She’s coming over avant son premier album, pour un EP je crois. Et puis il l’a réenregistrée pour son deuxième album où il l’a faite figurer en dernier. C’était amusant et touchant de la retrouver là, semblable mais pas identique, derrière d’autres chansons dont je n’avais jamais entendu une note avant qu’elles fussent commercialisées. Mais cette fois-ci je ne l’ai pas décortiquée et le plaisir est resté, lui, totalement identique.
mercredi 21 mars 2007
Be my baby - The Ronettes
C’est le genre de chanson dont il est impossible de retrouver l’appréciation originelle : on l’a toujours entendue, on l’a toujours aimée. Parce qu’elle passait à la radio, parce qu’elle a pris place sur une bande originale de film ou dans une publicité à
P.S : Chez des amis proches ou plus éloignés, un garçon se prépare et un autre vient de naître. Et disons que connaissant les goûts des parents, je ne me fais aucune inquiétude pour l’éducation musicale que ceux-ci vont recevoir. Je les salue.
mardi 20 mars 2007
The colour of spring - Mark Hollis
C’est une chanson magnifique mais c’est avant tout un album génial, entier et vacillant. Mon amie Claire dit que les génies ont les deux pieds collés dans le sol et la tête dans le ciel. La musique de Mark Hollis a cette double posture : elle plonge dans la réalité et l’élève doucement, sans emphase superflue, vers son versant aérien et immatériel. J’avais découvert Talk Talk grâce à Christophe Conte et un ami vénézuélien devenu depuis vice-ministre de l’Education dans son pays. J’ai toujours son Laughing Stock et crains qu’un jour les services secrets d’Hugo Chavez ne soient dépêchés pour le récupérer. Il est perdu dans ma discothèque mais en revanche, je retrouve toujours sans peine le disque solo de Mark Hollis, ne serait-ce que pour scruter la photo de la pochette, dont j’aimerais bien un jour prendre la jumelle mais qui m’échappe toujours. A l’image de ce visuel, la musique est troublante de simplicité apparente et de majesté. La première chanson, The colour of spring, tient en quelques lignes de texte et en une mélodie comme éparpillée, pulvérulente, comme on le dit des particules en suspension dans l’air. La voix revenue du gouffre de Mark Hollis vient ensuite se coller à l’ensemble, d’une folle unité. C’est grave et beau, mais quelque chose comme un sentiment de renaissance s’insère dans les interstices de cette apparente solennité. « Soar the bridges that I’ve burnt before » dit cette voix revenue de l’héroïsme d’opérette, hantée mais digne, prête à faire face au monde. On exagère souvent dans nos commentaires avec l’idée de dépouillement, de mise à nu, on estime trop vite que des artistes vont « à l’os » ou à l’essentiel. Peut-être avons-nous tout simplement besoin d’un repère pour de telles images. Ce repère, il était sous nos yeux, comme la lettre volée de Poe, depuis moins d’une décennie, et c’est Mark Hollis qui nous l’a donné.
lundi 19 mars 2007
September - Earth Wind and Fire
C’est formidable,
dimanche 18 mars 2007
But not for me - Chet Baker
J’ai choisi mon appartement sur un seul critère : je voulais qu’on puisse marcher pieds nus sur le parquet du salon en écoutant Chet Baker ou Bach le dimanche matin. Que le bois du sol provoque une sensation suffisamment marquante et douce, en accord total avec la musique idéale des jours où l’on prend le temps. Ce sont des détails auxquels on devrait penser plus souvent car les chansons ont un rapport évident à l’espace dans lequel elles s’insèrent, avec les matières qui le composent. Un critique autrefois marquant avait parfaitement décrit cette évidence et disait que quand il écoutait My Bloody Valetine, son appartement changeait de forme, mystérieusement, se couvrait de lianes ou quelque chose comme ça. Le jazz me fait cet effet : il décloisonne l’espace et plus encore les chansons de Chet Baker, qui bouleversent aussi le temps, en créant une sorte de monde sans âge. D’abord parce que sa voix est de toutes les époques, un peu comme celle de Nick Drake. Rien ne
samedi 17 mars 2007
La France dort - OTH
Dans une foire aux livres, nous avions acquis avec mon frère un numéro spécial de Libération consacré aux cent meilleurs albums de la période 1968-1988. J’ai lu l’ouvrage en intégralité et j’ai assez méticuleusement écouté les albums qui étaient passés en revue, sans le secours d’aucune médiathèque, concept encore vague à l’époque. J’ai aimé Prince, Fleetwood Mac et Stevie Wonder et j’en suis venu au Velvet Underground par un numéro spécial des Inrockuptibles acheté un peu au hasard. La légende veut que chaque personne ayant découvert le premier album du Velvet a fondé un groupe par la suite : moi je suis persuadé que tous ceux qui ont découvert ce numéro spécial ont ensuite fondé un fanzine. C’est mon cas et je l’ai créé en compagnie de semi-punks sympathiques dont j’étais le rédacteur en chef, à quatorze ans environ. Eux écoutaient du rock alternatif français, moi Yves Simon, mais je n’ai pas tardé à me laisser embarquer. Le fanzine portait un nom de maladie vénérienne et c’est là que j’ai publié ma première interview, du groupe Les Cadavres. Si je compare avec la dernière que j’ai réalisée – Neil Hannon – je me rends compte combien le chanteur Vérole et ses musiciens étaient extrêmement sympathiques. Un peu à l’image de cette musique, totalement mise de côté aujourd’hui, mais dont je garde un souvenir ému. Comme dans les livres de Guy Debord, il y avait là des enfants perdus et quelques utopies singulières, véhémentes, anarchiques. « Jamais plus nous ne boirons si jeunes » : certains sont morts violemment, d’autres dans un désespoir presque absolu. Le groupe le plus marquant de ce milieu fut OTH, même si je garde un bon souvenir des Satellites ou d’un live de Parabellum d’une belle et juste force. La France dort décrivait notre réalité, pays tétanisé par la crise, dont nous n’avions pas encore fait notre panorama. C’est une vraie bonne chanson et pas seulement le choix de
vendredi 16 mars 2007
Lady- Modjo
Allez, un peu de couleur. Un peu de futilité. On a beau faire le malin en jurant qu’on n’a pas bon goût et qu’on refuse tout ça, la haine de soi guette pour chaque incursion dans la musique un peu vulgaire. Et c’est là que l’on devient de mauvaise foi, en défendant bec et ongles ces chansons qui ne le valent peut-être pas, en les faisant passer pour des respirations. Alors qu’on n’en sait rien, après tout et qu’une vraie expertise manque pour les évaluer. J’ai découvert Lady à travers un clip que je trouvais bien foutu et pour tout dire, particulièrement émouvant. Une fille, deux garçons, des aventures et des fous rires. Super. La chanson était un peu anodine, avec ce sample lancinant et cette rythmique house casse-crâne. Des paroles idiotes, mais quelque chose d’attachant, en tout cas de marquant. Plus tard, j’ai découvert la version acoustique, sur une compilation « lounge » comme il y en eut des centaines. Le rythme s’était alangui, la voix était plus tendue, plus fragile. Des arrangements plus organiques avaient remplacé le riff samplé. C’était très joli, plutôt fin et sans afféterie. Toujours est-il que même pris à son origine FM/MTV, le morceau me plaît et me touche. Comme m’ont touché, dans les mêmes circonstances, Pure shores des All Saints, Rise de Gabrielle ou Beautiful de Cristina Aguilera. Ces chansons ressemblent aux bonbons que l’on se refuse toujours à la caisse du supermarché, parce qu’on est trop grand pour ça et que nos mamans nous ont expliqué que c’était mal. Avec nos légumes et nos fruits, notre viande bio sur le tapis roulant, on est tenté par les Kinder et les M&M’s. Alors, pour régler le dilemme, on en achète à nos amis, pour les faire rigoler. Et en faisant semblant de rien, on tape joyeusement dans le paquet.
jeudi 15 mars 2007
Train in vain - The Clash
Ça n’est pas ma chanson préférée des Clash mais que je l’aie voulu ou non, c’est la chanson de ma démarche. Je me mets en route et c’est automatique, j’entends le crescendo de la rythmique qui débute le morceau et mes jambes se mettent à l’unisson. Même impétuosité, même air goguenard : je marche sur Train in vain, comme si j’étais un membre des Clash, comme si j’étais dans une bande imaginaire qui s’en allait défier le monde. La première fois que j’ai acheté un pantalon de costume, on m’a fait un compliment génial : « tu ressembles à Paul Simonon ». J’en rougis encore. Train in vain est une chanson solaire dans un répertoire punk plutôt perçu comme sombre mais c’est ma face favorite du mouvement. Les chœurs et les riffs, l’union qui fait la force et la bienséance qui vacille. Le tranchant plutôt que la lourdeur, la concision contre l’insupportable marmelade progressive de l’époque. Je marche dans Train in vain et le morceau change mon panorama, au fur et à mesure que je progresse dans les rues de la ville, narguant les passants d’une désinvolture qui s’adapte si bien à
mercredi 14 mars 2007
The summerhouse - The Divine Comedy
Dans les soirées, on chante. C’est comme ça. On ne chante pas à table, c’est malpoli, mais dans les soirées, on a le droit. Alors on le prend. Mon ami Jérôme connaît des tas de chansons à
mardi 13 mars 2007
Let's go out tonight - The Blue Nile
Il y a ce qu’on pourrait appeler la grande musique de nuit. Les chansons que l’on écoute avant de s’endormir tard, télé éteinte et seul sur sa chaise, dans la minuscule appréhension de la dernière cigarette. Ce sont des morceaux de clôture, voluptueux et mélancoliques, favorables aux petites comme aux grandes réminiscences. Le sujet qu’ils abordent compte aussi et les chansons de récapitulation ou d’espoir sont souvent les bienvenues. Voilà pourquoi je garde souvent à portée de chaîne hi-fi Automatic for the people de REM, album diurne par excellence avec Dusk de The The, méditatif et préoccupé comme on peut l’être à l’approche du sommeil. Find the river est encore aujourd’hui un morceau essentiel de cette gamme d’écoute, avec ses arpèges jolis comme une lune en croissant et son tempo un peu claudiquant. C’est une chanson de départ et de conquête, qui souhaite des rêves doux avant les épreuves attendues. Reste que le modèle du genre est tout de même Let’s go out tonight, découverte via Craig Armstrong et utilisée cent fois pour le petit remaniement du quotidien, quand les voitures se font plus rares en bas de l’immeuble et que quelques zigotos persistent encore à errer vers les boîtes de nuit, au cœur de la tranquillité provinciale. Leurs beuglements font partie de cette bande-son de nuit, quand on cherche paisiblement la réponse à une question imprécise, mal formulée mais tenace. La voix de Paul Buchanan, la grêle de cordes qui l’accompagne, donnent un sens à l’obscurité, même lorsqu’elle est trouée par les lueurs municipales. L’envolée finale et la perdition du timbre même ajoutent du sens à cette légère interrogation existentielle. Mais il faut rendre les armes au moins pour quelques heures et la grande musique de nuit, de River man de Nick Drake à I Surrender de David Sylvian, fait naître quelques promesses, comme s’impriment doucement en nous les demi-rêves de l’endormissement.
lundi 12 mars 2007
Le chant des partisans - Anna Marly
Lorsqu’elle a acheté son premier lecteur de compact disc, ma mère a me semble-t-il acquis trois disques : un récital de Chopin par Arthur Rubinstein, Ferrat chante Aragon et une compilation de jazz. Peu après, nous lui avons offert Sergent Pepper’s Lonely Heart Club Band et nous avons vite connu ces quatre disques par cœur. A la même époque, j’avais comme livre de chevet un manuel de littérature du XXe siècle des éditions Magnard où je relisais sans cesse les pages consacrées à l’Affiche Rouge et à Missak Manouchian. Je me découvris un héros en Robert Desnos, dont j’apprenais les poèmes par cœur. Surréaliste, Desnos fait le con et se suspend aux lampadaires dans les représentations théâtrales. Il et se moque des vieilles badernes lettrées pour leur manque de culture populaire. C’est une sorte de punk. Pendant la guerre, Desnos fabrique de faux papiers pour des juifs et des résistants. Il est déporté et meurt du typhus à Terezin, après avoir écrit les plus belles lettres d’amour du monde à sa compagne Youki, depuis le camp français de Drancy. Desnos a écrit de la poésie mais aussi des chansons et je ne suis pas sûr qu’il fît jamais une distinction entre les deux. Moi non plus je n’en fais pas. Les enfants apprennent encore certaines de ses petites fables. Tant mieux. Dans le disque de Jean Ferrat, la Complainte de Robert le diable, écrite par Aragon, le décrit ainsi :
Et c'est encore toi sans fin qui te promènes
Berger des longs désirs et des songes brisés
Sous les arbres obscurs dans les Champs-Elysées
Jusqu'à l'épuisement de la nuit ton domaine
O la Gare de l'Est et le premier croissant
Le café noir qu'on prend près du percolateur
Les journaux frais les boulevards pleins de senteur
Les bouches du métro qui captent les passants
Je crois que c’est en entendant ça que j’appris le sens du mot « percolateur », qui me fait toujours un peu rêver. Mes héros d’enfance étaient des résistants et des poètes, pas des rock stars. C’est ainsi. Dans le Magnard, il y avait les paroles du Chant des partisans, qui est une chanson, mais qui est aussi de
dimanche 11 mars 2007
Les anomalies - Autour de Lucie
Je ne connais pas bien Valérie Leulliot. Je l’ai rencontrée il y a douze ou treize ans, alors que Le Village Vert venait de se créer et que le premier album d’Autour de Lucie, L’échappée belle, n’était pas encore chez les disquaires. Autour de Lucie donnait un concert dans une petite salle et ils avaient accepté que l’on se rencontre pour une interview. J’avais peu de disques chez moi : peut-être trente, quarante, impossible de savoir. Celui qu’on m’a donné ce jour-là a beaucoup compté pour moi : parce qu’il était gratuit, parce qu’il m’a obligé à produire moi aussi des objets pour les leur donner. Les disques et les concerts d’Autour de Lucie ont à partir de là toujours été des repères pour moi : emménagements et ruptures, ascensions et chutes. Parfois, à la fin de leurs concerts, nous allions manger ou boire des verres. Je ne connaissais pas bien Valérie et nous parlions de littérature, essentiellement. Elle m’avait fait une proposition un jour : écrire des paroles. Je me suis obstiné à rester improductif en ce domaine. Je ne connaissais pas bien Valérie, m’en tenant exclusivement aux paroles de ses chansons pour
samedi 10 mars 2007
She's so loose - Supergrass
On a pour habitude de critiquer le concept de solo interminable et on a raison. La virtuosité technique est souvent dommageable à la cohérence émotionnelle d’une chanson et la digression mélodique imposée par le solo nuit dans la plupart des cas à la petite histoire qu’on se raconte en écoutant un morceau que l’on aime, que cette histoire corresponde ou non à ce qu’a voulu raconter celui qui l’a composé. Pourtant, cette digression a parfois du bon lorsqu’elle prolonge l’un des possibles mis en place par le morceau. Et dans She’s so loose de Supergrass, c’est un des moments les plus inouïs de cette excellente chanson. Une petite fuite proposée sur quelques notes et un effet, une subtile dérivation qui s’apprécie plus encore en concert, parce que les Supergrass sont un super groupe de scène. Il y a quelques années, j’avais bidouillé pour avoir le droit de prendre des photos et je m’étais bousillé une oreille en me calant trop près d’une baffle pour avoir le bon angle de vue. Pendant le solo de She’s so loose, moi qui préfère généralement le retrait, j’ai apprécié d’être en bord de scène, excité comme un gamin, observant la manipulation des cordes. J’ai retrouvé cette joie suspensive du solo lors d’un concert relativement récent de Teenage Fanclub. Dans Neil Jung, l’une de leurs meilleures chansons, il y a en fait deux solos. Deux traînées mélodiques hétérogènes qui écartèlent le morceau un instant puis la ramène sur ses pieds, presque naturellement. Il faut maintenir un écart entre un phrasé et un autre, puis savoir le résorber soudainement, sans contraindre l’équilibre. C’est un art à part entière de réussir ce genre d’exercice, une prouesse dont la nécessité n’est pas encore réellement établie. Un peu comme on s’amuserait à exécuter un salto inutile sur une corde tendue entre deux immeubles.
vendredi 9 mars 2007
Once in a lifetime - Talking Heads
En allant à New York, j’avais un rêve secret : rencontrer par hasard David Byrne et lui dire que j’aimais non seulement les Talking Heads mais aussi ce superbe album solo à la pochette noire et son fabuleux Angels. A l’époque, cette chanson avait été vue par les critiques comme une redite de Once in a lifetime, dont je suis fou depuis le lycée au moins. J’aime la critique musicale et j’aime qu’on puisse écrire à peu près tout sur à peu près tout, mais je vois là une erreur d’interprétation. Il n’est pas rare que des artistes, après une œuvre majeure, en cherchent eux-mêmes le sens, qui leur a peut-être échappé. Probablement dépassés par le sublime qu’ils ont contribué à faire apparaître, ils tentent de savoir s’ils pourraient refaire la même chose, et pourquoi pas presque à l’identique. Neil Youg a fait ça, Lou Reed aussi. Angels est une réinterprétation de Once in a lifetime et elle en a gardé la diction unique, mélange de stupeur et d’élan. Il n’y a plus les guitares d’Adrian Belew ou la production d’Eno mais Byrne, avec cette voix où perce une intelligence hors du commun – et c’est important, tout de même – conserve la même envie singulière de s’emparer du monde avec l’appétit d’un ogre. C’est un plaisir, en écoutant les chansons des Talking Heads, de sentir qu’ils ne s’excusent jamais de leur curiosité, de leur ironie, et surtout de cette manie d’aller déceler dans le réel ce qui peut soucier ou inquiéter. Bangs, dans un texte d’une perspicacité inouïe, a été le seul à comprendre le jeu essentiel que jouait Byrne avec les peurs humaines. Et voilà par exemple de quoi j’aurais aimé parler avec lui, en prenant un café à Gramercy. Au lieu de ça, j’ai croisé Charlélie Couture qui a failli me renverser avec son vélo. C’est quand même pas de bol.
jeudi 8 mars 2007
Voilà les anges - Gamine
C’est encore une chanson d’adolescence, découverte au Top 50 où elle avait fait une brève apparition. Je faisais comme tout le monde à cette époque des compilations sur cassettes Maxell en enregistrant la FM. Ça donnait des ensembles assez bordéliques où le début et la fin des chansons étaient avalés, où le son était épouvantable. Ce qui explique peut-être pourquoi je me suis toujours autant focalisé sur ce qu’un morceau veut dire plutôt que sur les moyens mis en œuvre pour le dire, pourtant partie intégrante du contenu. J’avais amené Voilà les anges dans une boum du samedi après-midi et ayant réussi à la faire passer, j’avais essuyé l’incompréhension de mes petits camarades. C’est en lisant plus tard le génial Sur le rock de François Gorin que j’ai compris que j’étais devenu ce jour-là un parfait exemple de « boy next door », ces jeunes gens à la fois inhibés et révoltés prêts à s’enfuir des communautés auxquels ils étaient si mal assortis. A vrai dire, je ne comprenais pas qu’on puisse détester cette chanson, qui, au même moment, chez mes aînés de dix ans, provoquait un vrai choc. Un morceau vivifiant, malin et mélodique, avec un phrasé légèrement hâbleur. Dans le clip, les Gamine jouaient la décontraction à merveille et je me demande toujours pourquoi Voilà les anges n’est pas devenu un tube en lieu et place des conneries de Niagara. A quinze ans, ma perplexité était la même, alors que tout le monde dansait sur Bros et Terence Trent d’Arby. D’ailleurs, on aurait pu danser sur Voilà les anges, avec sa batterie caoutchouc, sa ligne de basse un peu entêtante et ses riffs frétillants. Mais voilà : j’ai repris ma cassette et j’ai attendu mon heure, qui a mis quelque temps à se présenter. Peut-être que ce week-end, dans les amis de Nina, 15 ans, un petit gars nommé Elio amènera un CD gravé avec un morceau des Shins et qu’il se fera jeter. Je tenais à lui dire qu’avec un peu de patience tout s’arrangera et que moi aussi Australia me rend fou de joie.
mercredi 7 mars 2007
Working class hero - John Lennon
C’est une phrase qui est restée collée à moi toute mon adolescence : « They hate you if you’re clever and they despise a fool ». John Lennon était une sorte de grand frère révolté, à vif, que j’ai écouté avant les Beatles. J’adorais Plastic Ono Band et c’est un article de Francis Dordor, publié dans Les Inrockuptibles, qui m’a expliqué pourquoi : c’est un disque d’émancipation et de dépouillement. Lennon a investi l’intégralité de sa souffrance originelle dans une ironie que les Beatles mettaient admirablement en valeur (on oublie souvent de dire que si les chansons étaient géniales, les types étaient particulièrement drôles). Lennon a eu besoin de premier degré et il a trouvé Yoko, qui l’a envoyé courir à poil dans les bois. Et qui lui a permis d’élever la thérapie discographique au rang d’art. Condensé autobiographique, précis de désillusion et de fol espoir en une femme qui déballe ce que lui refoule, Plastic Ono Band est un disque d’une lucidité violente et pas seulement par son côté psychanalytique : il prouve qu’en parlant de soi, pour soi, on trouve parfois l’universel de la condition humaine. « Tout un homme, fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n’importe qui » disait Sartre à la fin des Mots. Working class hero parle de cette défaite avec laquelle doivent vivre les assiégés. Qu’ils aient leurs parents à l’usine ou qu’ils soient orphelins, qu’importe. Lorsque j’étais barman, il y avait un portier nommé Roger. Chaque soir de concert, il arrivait après une journée de travail : il posait des fenêtres sur des chantiers de bâtiment. En général nous sortions de la salle vers une heure du matin, parfois deux. Roger allait casser la croûte chez lui. Je pense qu’il se levait vers six heures et demi du matin. J’aimerais bien que ses enfants découvrent un jour Lennon et sachent qu’on a un jour écrit pour eux, tout en se racontant soi.
mardi 6 mars 2007
I'm in love with a girl - Big Star
J’aurais pu choisir Thirteen et son solo de cristal. Mais je suis incapable de le jouer parce que j’ai toujours été infoutu de faire un arpège correctement. Parfois, on aime les chansons parce qu’on peut les jouer tout de suite après les avoir entendues, même sur une guitare merdeuse, dans une excitation qui est la seule vraie réponse. Moi, j’ai une folk portugaise magnifique et je joue I’m in love with a girl dessus. Je sais aussi jouer I’m looking through you, Space Oddity, It ain’t me babe et c’est à peu près tout. Même l’intro de The needle and the damage done m’échappe. C’est dire. Du coup, je suis un champion du air guitar et je mime September gurls - où il y a tout ce que j’aime de Teenage Fanclub - à
lundi 5 mars 2007
Frederick - Patti Smith
Il faut louer ceux qui vous font changer d’avis en musique. Surtout lorsqu’ils le font avec la plus grande des douceurs, parce que vous leur devez un monde et une nouvelle innocence. Je n’aimais pas trop Patti Smith parce que je ne connaissais que Horses et que le lyrisme de cet album me mettait mal à l’aise. Et puis j’ai rencontré Jean-Hubert et Sylvie, qui travaillaient à une œuvre digne du plus grand respect : fabriquer une bibliothèque idéale et absolue où tous les livres se répondraient. J’ai voulu faire leur connaissance parce qu’ils considéraient comme moi que Lester Bangs était un écrivain sans commune mesure. Nous avons mangé chez Jenny, place de la République et je les ai photographiés après un entretien qui se poursuit encore aujourd’hui, au gré des mails, des textes et des coups de fil. Ils ont édité Patti Smith et sans jamais chercher à me convaincre, ils m’ont amené à y voir de plus près. J’ai alors découvert la beauté furieuse de ces chansons, la passion et l’urgence de cette passion. Frederick, morceau écrit pour son mari, témoignage d’un amour infini, m’a littéralement retourné. Les femmes aiment comme des bulldozers, et quand elles en font des chansons, il est bien rare qu’elles ne touchent pas le cœur du sujet. Hommage frontal et hymne inquiet, Frederick donne envie d’avoir fait partie du MC5 et de s’appeler Fred Sonic Smith. J’appelle souvent Jean-Hubert et Sylvie dans le Gers et nous parlons football, littérature et musique. Une seule expression me vient à leur égard, elle est biblique : ils sont le sel de
dimanche 4 mars 2007
Chicago - Sufjan Stevens
Chère Maman, chers amis, chers collègues, cher rectorat de l’Académie d’Amiens,
Vous vous demandez peut-être pourquoi je n’ai pas donné de nouvelles depuis quelques mois, quatre exactement, et pourquoi je ne réponds pas au téléphone. Rassurez-vous, je vais bien. J’ai assisté le 9 novembre dernier au concert de Sufjan Stevens au Bataclan et vous savez combien j’aime la musique de ce garçon. C’était un concert magique, dont j’ai goûté chaque harmonie, m’amusant de chaque sourire des interprètes. Les larmes me montaient aux yeux, parfois, en voyant ce jeune homme si doué et si touchant diriger une dizaine de musiciens affublés d’ailes d’ange, sur les chansons de son chef-d’œuvre, Illinois. Sans avoir besoin des jolies images super-8 qui passaient derrière eux, je retrouvais celles qui m’étaient spontanément venues en écoutant Casimir Pulaski Day ou The Avalanche : la langueur d’un quotidien percé d’un peu de merveilleux, ces panoramas déformés par l’abstraction que seule l’enfance sait voir. En sortant du concert, j’ai vu le tour bus de Sufjan Stevens garé devant la salle et profitant d’un moment d’inattention autour de moi, je me suis caché à l’intérieur. J’ai tenu deux jours planqué sous une pile de manteaux, jusqu’à ce qu’on me découvre à Amsterdam. J’ai supplié le groupe de me garder avec lui et ils ont accepté : je suis devenu roadie. J’ai porté les guitares, les amplis et les sacs de câble, comme je l’avais fait plus jeune pour mes amis musiciens. En arrivant au Etats-Unis, j’ai découvert Chicago. J’ai vu le Loop et son métro aérien. J’ai vu l’immeuble du Chicago Tribune, celui de Superman et dans ma tête une section de cordes s’envolait comme dans la chanson. J’ai traversé les Etats-Unis en chantant à tue-tête dans un bus de tournée, et j’étais presque dans Almost Famous. Maintenant, je commence à accorder les guitares, et l’autre jour, j’ai joué The dress looks nice on you avec Sufjan. Les autres me posent des questions sur la France et je leur explique quelques trucs, la politique et ces choses-là. Ça les amuse. Je reviendrai peut-être ou je m’installerai ici, je laverai des bagnoles, j’enseignerai le français, qui sait ? Il y aura une autre tournée et nous nous retrouverons. J’aurai alors des milliers de choses à vous raconter.
P.S : Vous pouvez faire suivre mon courrier à Asthmatic Kitty.
samedi 3 mars 2007
XTC est un de mes groupes préférés et j’ai beaucoup hésité entre Generals and Majors, Mayor of Simpleton ou Dear God. Puis cet épisode m’est revenu, dont je suis parfois un peu honteux et que je tiens à confesser ici. Lorsqu’ils ont sorti Apple Venus volume 1, Andy Partridge et Colin Moulding sont venus faire de la promo à Paris et je l’ai su. J’ai appelé l’attaché de presse du distributeur français et n’ayant d’autre fonction sociale que celle de doctorant en littérature, j’ai inventé un support que j’ai appelé L’Est Malin ou quelque chose comme ça. J’ai demandé une heure et demie d’interview avec photos. Ça a marché. J’ai alors appelé Charles, chez qui j’avais découvert quelques années auparavant cette compilation d’XTC à la pochette hideuse, et je lui ai proposé de faire l’entretien avec moi. Le jour du rendez-vous, nous sommes arrivés dans un hôtel du 5ème arrondissement et je me suis platement excusé de ne pas avoir amené le dernier numéro de L’Est Malin, « hebdomadaire culture et loisirs », qui était malheureusement sous presse. Nous avons passé presque deux heures avec Moulding et Partridge, enregistrant le tout sur le minidisc de Charles, puis j’ai fait quelques photos. Ils étaient courtois, un peu distants, mais ça n’avait aucune importance. J’aimais beaucoup ce disque et je le leur disais dans un anglais assez approximatif, confessant un intérêt beaucoup plus marqué pour Easter theatre, morceau à la fois très mélodique et assez sinueux, dont j’appréciais beaucoup les arrangements. Quand nous les avons quittés, nous sommes allés saluer chaleureusement l’attachée de presse, qui nous avait laissés tranquilles pour passer des dizaines de coup de fil dans le hall de l’hôtel. Elle était contente que tout se soit bien passé et je lui assurai qu’on tenterait tout pour faire la couverture de L’Est Malin avec le groupe. Ça n’a pas eu l’air de l’émouvoir. Pourtant, dans mon esprit, c’était un chouette journal.
vendredi 2 mars 2007
Famous blue raincoat - Leonard Cohen
Tiens, c’est encore une histoire de manteau. Je n’ai jamais été fan de Leonard Cohen mais j’aime souvent les titres de ses chansons, I came so far for beauty en tête. Et j’aime immodérément cette chanson, avant tout pour son texte. Un texte qu’on m’a raconté avant que je ne puisse le lire ou que j’en découvre
jeudi 1 mars 2007
Angeles - Elliott Smith
A un moment, ma vie a ressemblé à une nouvelle de Raymond Carver. J’étais barman dans une salle de concert et, pour m’y rendre, je devais traverser un quartier de la ville autrefois tapissé des plus beaux terrains vagues, et sur lesquels on construisait des immeubles pour « étudiants et stagiaires ». J’avais une vieille parka kaki et pendant la demi-heure de marche qui me séparait de la salle, je me chantais les mélodies d’Elliott Smith. C’était la bande-son idéale de mon existence et ses décors. Des histoires de villes corrompues où se débattent des dépossédés. J’allais servir des demis en regardant d’un œil les plus sincères et les plus mauvais groupes de France et lorsque je rentrais chez moi, tard, je pensais aussi à Monochrome, une chanson de Yann Tiersen qui allait bien avec cette vie d’alors. Il y avait quelque chose de paisible, pourtant, dans cette période de défaite. Tout comme il y a quelque chose de paisible dans Angeles, cette chanson de Either/Or. J’ai vu Elliott Smith la chanter sur la scène de la Cigale, seul avec sa guitare et j’ai été bouleversé. En sortant du concert, comme je l’ai écrit dans un courrier aux Inrockuptibles juste après sa mort, je l’ai vu devant les cars de touristes de Pigalle, seul, un sac Tati à la main, son bonnet enfoncé sur le crâne. J’avais envie d’aller lui serrer la main pour lui dire combien j’aimais sa musique. La parka m’est restée longtemps. C’est probablement à cause d’elle qu’en me croisant un jour de pluie, un gamin a dit à son copain qui cheminait à ses côtés : « tu vois, ça, c’est un clochard ». Les touristes du boulevard de Rochechouart qui croisaient Elliott Smith ce soir-là auraient pu dire la même chose. Moi je me disais que ça, c’était un génie.